Au verso
L'envers du décor...
Ou le verso des cartes...
Le rédacteur voulait probablement conserver un certain anonymat, en tous cas pour les services postaux, puisqu'il signe "Mr Untel". Et, si il connait bien la profession de la destinataire, puisqu'il la qualifie de tailleuse diplomée, ce qui n'était probablement pas courant à cette époque, il ignore son adresse exacte, et précise que le facteur la trouvera "au fond du pli", qui a perdu son t final au passage.
C'est le cachet de la poste au verso de cette carte qui mérite ici notre intérêt: on y lit en effet les noms de Tournai et de Bruxelles. Ce type de cachet était utilisé pour les oblitérations dans les trains postaux, et donc ici sur la ligne Tournai - Bruxelles
Les bureaux de poste ambulants circulaient en fin de journée et la nuit sur les grands axes ferroviaires. Ils acheminaient le courrier des centres de tri de province vers Bruxelles qu’ils atteignaient entre 22 heures et minuit. Le courrier trié etait alors remis au centre de tri de Bruxelles X, ou dans notre exemple Bruxelles 2, avant la mise en service de la jonction Nord-Midi et de Bruxelles X en 1958.
D’autres ambulants vont quitter Bruxelles-Midi entre minuit trente et deux heures, emportant le courrier qui n’a pu être expédié par les derniers trains de soirée.
Au cours du trajet, le personnel de la poste prend place dans les voitures postales et trie et oblitère le courrier reçu avant le départ et durant les arrêts sur le parcours.
Cette carte a été écrite par un soldat allemand en 1917, et jamais envoyée. Elle a été trouvée sur le site d'un marchand de cartes postales allemand, et est revenue chez nous plus de 100 ans plus tard. Espérons que ce ne soit pas le rédacteur de cette carte qui a suggéré a ses compatriotes de venir faire du tourisme chez nous en mai 1940...
Andenken am
die Ruhe und Feierstage
im Mai 1917. Hier in
diesen Dorf liegen wir.
Souvenir
du repos et du jour de fête
en mai 1917. Voici
le village où nous étions.
Un an plus tard, le 11 novembre 1918, c'était l'armistice...
Le village sera alors occupé briévement par des troupes alliées, probablement le 14ème bataillon du Royal Highland Regiment.
Cette carte, envoyée sous enveloppe, a donc vraisemblablement été écrite par un soldat de ce régiment écossais, qui combattait en kilt.
Nous sommes arrivés à cet endroit
Quand on nous a annoncé les bonnes
nouvelles donc nous avons eu du
bon temps. Cet endroit est
en Belgique
We got to this place
When we were told the good
news so we had a
good time. This place is
in Belgium
Petite particularité de date pour cette carte: Le cachet d'arrivée à la poste de Saint-Ghislain est daté du 10 novembre 1918, soit la veille de l'armistice. Elle est pourtant encore passée la veille par la censure allemande, comme le montre le cachet bleu.
Cependant, le 10 novembre 1918, l'annonce de l'abdication de l'Empereur d'Allemagne et de sa fuite aux Pays-Bas, ainsi que de la proclamation de la république en Bavière s'est déjà répandue à travers la Belgique. Le désordre règne et les soldats allemands envahissent les cafés et déambulent dans les rues. La nouvelle de la signature de l'armistice donne lieu à des scènes de liesse dans les villages. Les habitants forment des cortèges aux couleurs de la Belgique.
Les soldats allemands partagent, dans leur majorité, la joie de la population civile et se mêlent aux cortèges. Leurs officiers, eux, évitent les apparitions en public.
Dès le 12 novembre, les troupes allemandes en bon ordre, armes à la bretelle et drapeaux en tête, refluent vers l' Allemagne.
NOTE: Il peut être utile de rappeler ici la différence entre armistice et capitulation:
L'armistice, comme le 11 novembre 1918, est une convention ratifiée par chacune des parties prenantes et qui marque la fin d'un conflit, même si les belligérants sont encore potentiellement en état de combattre. C'est le fruit d'une négociation politique, qui permet au vaincu de conserver l'administration de son territoire, même s'il est occupé.
La capitulation, comme le 8 mai 1945 dans le cas de l'Allemagne, est un arrêt sans condition des combats, qui reconnait la défaite incontestable d'une nation toute entière, celle-ci étant incapable, faute de moyens militaires, de poursuivre ceux-ci. Elle est la décision d'un chef d'armée et a pour principale conséquence de livrer à l'ennemi le contrôle intégral du territoire concerné.